Rencontre avec Mayuzumi Madoka (2012)

Pour commémorer les un an du tsunami qui a dévasté le Japon, le pays était à l'honneur au Salon du livre 2012 au Parc des expositions, Porte de Versailles. C'est à cette occasion que nous avons pu rencontrer la célèbre haijin Mayuzumi Madoka, venue présenter son récent recueil paru aux éditions Philippe Picquier : Haikus du temps présent, qui a l'avantage de contenir, en plus du texte en version originale et en français, des explications de l'auteur sur l'inspiration de chaque haiku et des notes de la traductrice qui décrypte les codes et les subtilités des poèmes.
Mayuzumi-san a gentiment accepté de nous parler de sa poésie mais aussi de l'impact que cet événement bouleversant a eu sur le haiku.

Mayuzumi Madoka by ErellAvant d'aborder l'interview, voici quelques explications permettant aux moins aguerris en culture nippone de mieux comprendre les propos qui vont suivre :

La poésie japonaise, waka (和歌), se compose de plusieurs genres, souvent issus les uns des autres. Jusqu'au XIXe siècle, le plus populaire était le tanka (短歌, poème court), comptant 5-7-5-7-7 syllabes. Il était très souvent utilisé, à l'ère Heian (794 - 1185), dans la correspondance et devint au fil du temps un genre à part entière. La première partie de cette forme poétique (5-7-5), appelée hokku (発句), a donné naissance au haiku (俳句), qui prendra de l'importance dans le courant du XVIIe siècle, notamment grâce au célèbre haijin (俳人, poète de haiku) Bashô Matsuo (1644-1694).
Le haiku répond à un style et des critères très précis, en plus de la contrainte rythmique. Celui qui nous intéressera le plus ici est le kigo (季語, mot de saison), qui permet évidemment de situer le poème dans le temps, mais qui est surtout chargé de symbolique et dont l'évocation amène implicitement du sens à ce texte si condensé.
« Les kigo, dit Mayuzumi Madoka, ne sont pas uniquement dans un rapport descriptif avec la réalité, mais dans un véritable rapport poétique : le mot de saison exprime tous les éléments de la culture japonaise, aussi bien des éléments esthétiques que des émotions, une atmosphère, une philosophie de la vie. » (1)
Le haiku doit donc être perçu comme une « saveur » et fait à la fois sens pour l'auteur, qui partage une émotion, un événement... et pour le lecteur, qui peut y trouver un écho à ses souvenirs et sa sensibilité propres.

Interview

La poésie en France est un genre qui paraît plutôt élitiste. Comment est-elle perçue au Japon ?

Comme le haiku est particulièrement bref, des milliers de personnes en écrivent. C'est donc très populaire au Japon.

Comment « apprend-on » à écrire des haiku ?

C'est le genre poétique le plus court du monde. Il est extrêmement facile de commencer à en écrire car c'est très accessible. Il n'y a pas d'école où apprendre car, depuis plus d'un siècle, tout le monde en écrit, de l'empereur aux personnes plus humbles, dans la vie de tous les jours. Mais, si on veut approfondir, cela devient plus compliqué.

Des poètes contemporains, comme Tawara Machi (2), composent des tanka. Pourquoi avoir choisi le haiku plutôt que le tanka ? Est-ce parce que votre père était lui-même un haijin ?

Oui, mon père écrivait des haiku. Pour ma part, c'est parce que j'ai rencontré des spécialistes du haiku que j'ai été poussée vers cette forme poétique.
J'ai eu l'occasion de rencontrer Tawara Machi. Ses professeurs écrivaient plutôt des tanka. Je pense que c'est comme cela que nous avons choisi chacune notre genre.
En parlant avec elle, je me suis rendue compte que si j'avais eu des professeurs de tanka et elle des professeurs haijin, ça aurait pu être l'inverse... Mais en fait... je ne pense pas ! (rires)
Je crois qu'il y a des rencontres qui doivent être faites, et c'était la mienne.

Y a-t-il une difficulté à moderniser le haiku en respectant les critères traditionnels ?

La plupart garde la forme traditionnelle mais essaie d'apporter une lecture plus contemporaine.
En fait, depuis la grande catastrophe de l'an dernier, les gens se sont mis à lire des haiku, car sa forme est courte et facile, et beaucoup en écrivent. J'ai d'ailleurs le projet de les rassembler et, pourquoi pas, de les éditer.

La poésie se base sur une esthétique propre à la langue de composition. Que pensez-vous de la traduction ?

En effet, la forme rythmique, en 5-7-5 pieds, est importante. Forcément, le nombre de pieds d'origine ne peut pas toujours être respecté, mais ce n'est pas très grave car je pense qu'il peut y avoir un rythme en français

À ce propos, vous avez animé des ateliers en France. Que pensez-vous des étrangers qui composent des « haiku » sans forcément connaître les règles ?

Je pense qu'il est quand même important de respecter la forme du haiku. C'est comme pour l'ikebana (l'art floral) ou la cérémonie du thé, il y a des règles pour tous ces arts qui les ramènent au rang de la poésie et du haiku.
On peut très bien faire une cérémonie du thé, mais si on ne préserve pas les règles, ça devient une simple « tea party ». Si l'on fait de l'ikebana sans respecter ses règles, cela devient un simple arrangement floral, un bouquet. Il en va de même pour le haiku. Sans les règles, cela devient simplement un poème court.

Pensez-vous vous inscrire dans une tradition de poésie féminine (Genji Monogatari, Towazugatari, Kagerô Nikki, Yosano Akiko... (3) ) ou vous sentez-vous plus dans un mouvement héritier de Bashô ?

Évidemment, je me sens dans la voie de Bashô.
Mais, bien entendu, en tant que femme, je me sens une sensibilité féminine, et avec tout cet héritage de femmes écrivains et poètes, je peux dire qu'elles aussi m'ont amenée à l'écriture. Je me sens donc, dans un certains sens, dans leur affiliation.
Bashô était un homme et, en m'inscrivant dans sa voie, j'aimerais bien pouvoir apporter quelque chose en tant que femme.

Mayuzumi-san a ensuite souhaité nous présenter l'un des haiku écrits par les sinistrés du séisme, qu'elle a trouvé très touchant :

Cette personne n'est pas un spécialiste du haiku mais, comme beaucoup d'autres, elle s'est mise à écrire des haiku suite à la catastrophe.

Je me retrouve dépouillé, seul avec mon corps, un vent parfumé souffle

« Victime d'un tsunami inimaginable, j'ai perdu ma maison et tout ce que j'avais accumulé au cours de ma vie. Lorsque je me suis réveillé de ces jours d'hébétude, il y avait autour de moi ma famille, irremplaçable, et soufflait un vent parfumé qui venait de naître comme chaque année. (4) »

Mayuzumi-san nous explique alors :

Le haiku n'est pas une poésie qu'on peut lire directement. C'est pourquoi, dans celui-ci, on ne voit pas de suite la douleur et la tristesse.
Comme le flot de la nature et des choses, le monde continue de tourner et on se rend compte que ce haiku va s'inscrire dans ce flot-là. C'est pourquoi il y a, entre autre, le kigo dans la poésie du haiku. Il incarne ce respect à la nature. Les Japonais se sentent proches de la nature même si avec le tsunami elle leur paraît plus agressive, plus dévastatrice, mais ils retournent pourtant toujours vers elle.
La personne qui a écrit ce haiku, malgré le tsunami qu'elle a subi, a vécu avec cette acte d'écriture un sentiment de purification et de renouveau. Il est possible de renaître.

Notes :

1. Conférence à la Maison de la Culture du Japon à Paris, mars 2008, traduit par Corinne Atlan in Haikus du temps présent, Mayuzumi Madoka, éditions Philippe Picquier, 2012.
2. L'Anniversaire de la salade, Tawara Machi, éditions Philippe Picquier, 2010
3. Genji Monogatari (Le Dit du Genji, XIe siècle), Murasaki Shikibu, éditions Verdier, 2011
Towazugatari (Splendeurs et misères d'une favorite, XIIIe siècle), Dame Nijô, éditions Philippe Picquier, 2004
Kagerô Nikki (Mémoires d'une éphémère, Xe siècle), par la mère de Fujiwara no Michitsuna, éditions Collège de France, 2006
Midaregami (Cheveux emmêlés, XXe siècle), Yosano Akiko, éditions Les Belles Lettres, 2010
4. N.d.t. : La catastrophe a eu lieu à partir du 11 mars. La floraison des cerisiers, véritable fête au Japon appelée Ohanami, a lieu de fin mars à début avril. Le parfum fait donc allusion à celui des fleurs de cerisiers. Cette tradition a, par ailleurs, une forte symbolique à propos de la vie, dans sa fugacité et sa dimension cyclique.

Tous nos remerciements à Mayuzumi Madoka et aux éditions Philippe Picquier.

Rencontre avec Brandon Sanderson (2010)

J'ai eu la chance de rencontrer Brandon Sanderson, un écrivain geek qui s'assume, lors des Utopiales 2010. Cet auteur d'epic fantasy, qui a été choisi par la veuve de Robert Jordan pour achever sa série La Roue du temps, est également le créateur d'un personnage « charismatique » pour la littérature jeunesse : Alcatraz Smedry. Commençons, pour ceux qui ne le connaîtraient pas, par une petite présentation de deux séries représentatives de cet auteur, avant d'attaquer son interview qui vous permettra de découvrir un parcours hors norme ainsi que quelques-unes de ses techniques de création.

Elantris, la cité déchue

Elantris est une série d'epic fantasy en deux tomes publiée chez Orbit et exploitant une idée très originale de malédiction. Si vous n'avez pas l'habitude, préparez une fiche avec les noms propres pour vous y retrouver ^^' Nous avons d'ailleurs abordé ce sujet lors de l'interview.

Dix ans auparavant, Elantris était encore une belle cité, comme faite de pierres précieuses et de métal brillant. Ses habitants, bénis par le Shaod leur offrant beauté, santé, intelligence, étaient considérés comme des dieux immortels. Le Shaod pouvait toucher n'importe quel natif d'Arélon, pauvre ou riche, vieux ou jeune. Il pouvait alors rejoindre la vie de la merveilleuse cité.
Mais un jour, le Shaod est devenu malédiction et la puissance de la cité s'est effondrée. Tous les Elantriens devinrent des pestiférés, physiquement et socialement. Depuis, chaque personne frappée par le Shaod devient un cadavre ambulant et se retrouve bannie et enfermée dans l'enceinte d'Elantris aux rues sales et sombres. Ses habitants, livrés à eux-même, errent tels des zombies dans la saleté et la famine, souffrant jusqu'à la folie de blessures qui ne guérissent plus. Pour l'éternité.

C'est ainsi que le prince Raoden d'Arélon franchit les portes de la cité, ses offrandes mortuaires dans les mains. C'est ainsi que la princesse Sarène arrive pour épouser un homme qu'elle n'a jamais vu et qu'elle ne verra jamais puisqu'on célèbre ses funérailles - ce qui ne rompt pas le contrat de mariage pour autant. Il découvre une vie de misère et de cruauté et ne compte pas « finir ses jours » ainsi. Elle rencontre son beau-père, sexiste et méprisant, et ne compte pas rester toute sa vie sur la touche en n'hésitant pas à mettre son grain de sel dans la vie politique de son nouveau pays, l'un des rares à échapper encore aux opérations d'extension et de domination du royaume militariste de Fjorden.

Alcatraz, l'antihéros destructeur

La série Alcatraz, qui compte déjà deux tomes publiés en France aux éditions Mango sur les trois actuellement sortis, ne s'adresse pas uniquement aux jeunes lecteurs. C'est en effet avec grand plaisir que j'ai dévoré le premier tome : Alcatraz contre les infâmes bibliothécaires - et ne vous arrêtez surtout pas à la couverture qui est très bof... Son système d'écriture est en effet très astucieux et même un peu fourbe !
Nombreux sont les points intéressants de cette série. Tout d'abord, l'auteur s'adresse à deux lectorats différents : celui de la Biblie Intérieure, le monde que nous connaissons et dans lequel ce livre est à l'index paraît-il, et celui des Royaumes Libres où notre personnage est un héros. Je ne vais pas m'étendre dans les détails mais l'auteur jongle entre ces deux publics et en profite pour critiquer un peu notre mode de vie.

Le personnage principal est une sorte de jeune antihéros plutôt associable possédant un Talent hors norme : il casse à peu près tout ce qu'il touche... Beaucoup de l'humour de la série se base sur les Talents bien pourris, admettons-le, des différents protagonistes (je vous laisse la surprise) mais dont ils arriveront à tirer avantage même si on se demande parfois s'ils ne sont pas un peu décérébrés !
L'autre point fort et humoristique de la série est la voix du narrateur-auteur qui aime bien faire tourner ses lecteurs en bourrique. Elle coupe sans cesse la narration pour tarauder le lecteur avec des considérations et des commentaires souvent hors-sujet voire déjantés qui critiquent avec beaucoup d'ironie les normes littéraires ou se moquent tout simplement de vous ou vous envoient carrément balader ! L'auteur vous promène dans le bouquin par le bout du nez, vous renvoyant 30 pages en arrière pour des broutilles par exemple. Il va jusqu'à vous donner le début du deuxième tome, Alcatraz contre les ossements du scribe (à l'époque pas encore publié), à la fin du premier juste pour vous faire enrager, le fourbe ! Alcatraz, le narrateur-auteur qui serait en fait Brandon Sanderson sous son nom de plume de Biblie Intérieure, essaie de se faire détester par tous les moyens. Y arrivera-t-il ? Moi, en tout cas, je vais lire le tome 2 !

« [...] les écrivains adorent mettre les gens à l'agonie. Si ce n'était pas le cas, nos romans n'auraient pas d'autre sujet que les fêtes d'anniversaires des petits lapinous. »

Il y aurait encore une multitude de choses à dire sur Alcatraz mais l'article commence à être long et ce serait vraiment dommage de vous spoiler l'histoire et les vannes, alors le mieux, c'est encore d'aller lire tout ça par vous-même ! Et de lire l'interview pendant laquelle nous avons beaucoup parlé de cette excellente série !

Interview

Vous n'étiez pas destiné à devenir auteur. Vous n'aimiez pas lire et vous avez commencé vos études en chimie. Est-ce grâce à vos rencontres, par exemple avec vos professeurs Mrs Reader et l'auteur David Farland, que vous avez découvert la fantasy et pris le goût de la lecture et de l'écriture ?

Le premier déclic a eu lieu quand ma prof, Mrs Reader, m'a encouragé à lire des nouvelles de fantasy pour la première fois. J’avais 14 ans et je détestais lire car on ne m'avait pas donné les bons livres. C’était Fendragon (Dragonsbane) de Barbara Hambly. J’ai adoré. C’était une nouvelle merveilleuse qui a changé ma vie, ma manière de voir le monde et les livres. Et j’ai découvert, cet été-là, d'autres auteurs tels qu'Anne McCaffrey, Melanie Rawn et David Eddings, qui sont devenus mes auteurs préférés, et j’ai littéralement dévoré tout ce qu’ils ont fait.
Mais ma mère m’a convaincu qu’être auteur n’était pas un vrai métier et je suis allé à l’université pour étudier la chimie. Au bout d’un an, je me suis rendu compte que ce n’était pas fait pour moi. J’aime le concept de la chimie, mais je suis un auteur et j'avais besoin d'écrire. Donc j’ai décidé de le faire à temps plein. J’ai suivi les cours de David Farland sur les nouvelles de fantasy et SF qu’il enseignait à l’université locale. Et ça m'a énormément aidé de rencontrer un véritable auteur pour comprendre qu’écrire pouvait être un vrai métier, qu’il y a des gens qui le font, tout comme lui. Et ces deux personnes ont eu une influence profonde sur ce je voulais vraiment faire.

Vous n'aimiez pas les livres imposés à l'école. Dans le premier tome d'Alcatraz, vous formulez des critiques telles que « Tu dois lire ça ! ». Est-ce que votre expérience vous a inspiré pour ce livre ?

Elle l’a inspiré. J’ai écrit Alcatraz comme si c’était pour moi quand j'avais 13 ans. J'ai voulu imaginer le livre parfait que ce garçon aimerait.
Je pense que notre société a du mal à assumer que certains livres sont destinés à certaines personnes. Les livres sont un peu comme des chaussures, n’importe quelle chaussure n’ira pas à tout le monde et on ne peut pas la forcer à aller à tous. Le lecteur doit essayer une large variété de choses mais je pense que nous sommes trop souvent en train de pointer du doigt en disant : «  Oh tu ne devrais pas aimer ce livre, mais tu devrais aimer celui-ci parce que tous les autres l’aiment ». Quand j’étais plus jeune et qu’on me donnait à lire un livre en me disant que tout le monde l’aimait et que quelque chose n’allait pas avec moi si je n’aimais pas ce livre, ça ne me plaisait du tout. Jusqu’à ce que je lise des livres de fantasy et que je réalise ce que j'aimais. Mais malgré tout, beaucoup me disaient « Oh tu ne devrais pas aimer ce livre de fantasy, c'est pour les enfants » ou alors « Ce n’est pas de la vraie littérature », ce qui est complètement faux. Tout cela juste parce que certaines personnes n’aiment pas ce type de livres et qu’ils voudraient que tout le monde aime ce qu’ils aiment !

C'est peut-être ce qui nous fait réaliser que nous sommes geeks et pas comme les autres car j'ai eu la même expérience !

Exactement. C’est un dur combat que nous devons mener. J’ai une maîtrise en anglais et j’ai dû me battre dans chaque cours pour dire que : non, la littérature fantastique est pleine de bonnes choses, elle vaut la peine d'être étudiée, d'être écrite et elle est tout aussi valable que le reste ! Mais c'est très dur…

Et avez-vous vraiment quelque chose contre les bibliothécaires ?

(rires) Actuellement je n’ai aucun problèmes avec eux, je les aime beaucoup. Quand j’étais en train d’écrire Alcatraz contre les infâmes bibliothécaires, je me moquais plutôt de la théorie du complot. Je venais juste de lire un thriller, dont je ne mentionnerai pas le nom, qui prétendait que certains groupes secrets dirigent le monde, ce que je trouvais démentiel et d’une certaine manière ridicule. Donc je voulais imaginer le groupe le plus ridicule possible en train de diriger le monde et j'ai choisi les bibliothécaires. Il y en a tout un tas qui sont merveilleux, d'une grande aide, et pas du tout infâmes. Mais, et c'est une partie du commentaire que j’ai fait, il y en a parfois quelques-uns qui le sont, à mon avis, car ils ne font pas ce qu’ils devraient. Pas seulement des bibliothécaires mais aussi certains instituteurs et certains professeurs, qui font de la rétention d’information et qui disent : « Non, vous ne pouvez pas avoir cette information, vous pouvez seulement avoir l’information que je pense digne de vous ».

Et pourquoi choisir un antihéros pour Alcatraz ?

Alcatraz n’est pas un antihéros traditionnel. Il y a beaucoup de définitions d’antihéros. La plus connue est quelqu’un comme Madame de Bovary, une personne qui n’attire pas l’attention.

C'est un des livres horribles que j'ai dû lire à l'école !

Oui, oui, je n’ai pas beaucoup aimé ce livre non plus. Mais j'aime Victor Hugo donc ça va. Les auteurs français sont incroyables. Mais Alcatraz est une autre sorte d’antihéros. Il ne pense pas qu’il mérite d’être un héros car il a une mauvaise estime de lui mais ça fait partie du charme du livre. L’idée de la série Alcatraz, c'est que les personnages ont des super-pouvoirs qu'ils trouvent nuls. La société les leur présente comme des défauts. Le super-pouvoir d'Alcatraz, par exemple, c'est qu’il casse des choses. La société leur dit que c’est terrible, qu’ils doivent en avoir honte. Mais le propos d’ensemble du livre est que des choses dont on est honteux peuvent aussi être notre plus grand avantage. J'utilise moi-même souvent cette métaphore. Quand j’étais jeune, j’avais une imagination débordante et ça me causait des problèmes. Certaines personnes me disaient « tu ne devrais pas rêvasser tout le temps comme tu fais ». Mais j'en ai fait ma carrière. Pour beaucoup d’entre nous, geeks ou nerds, la société considère qu'on doit en être honteux de toutes ces choses que l'on fait. Mais je ne pense pas nécessairement que ce soit vrai. On peut les prendre, en tirer un grand avantage et on peut aider la société en les utilisant. Et c’est de ça que parle le livre. Alcatraz apparaît comme un antihéros au début mais c’est l’astuce du livre car c’est sans soucis que mon antihéros peut devenir un héros.

Nous avons une série en France où les pouvoirs catastrophiques des super-héros deviennent une force.

Ah ok. Il y a aussi ce film Mystery Men, que j'aime beaucoup. C’est un peu ce genre de trucs, avec des super-héros comme La Pelle qui est très bon pour pelleter, et autres. De toute façon, je ne pense pas être le seul à avoir eu ce genre d’idées.

C'est peut-être ce qui rend ces personnages attachants.

Oui, peut-être, oui.

Beaucoup de héros modernes ne sont plus orphelins mais placés dans des familles d'accueil. Est-ce une façon de se rapprocher des jeunes lecteurs de maintenant ?

Oui, mais je pense que c’est surtout pour être plus réaliste. C’est ce qu’il se passe dans notre monde d’aujourd’hui et aussi ce que j’ai voulu pour Alcatraz. Je ne veux pas en dire trop pour éviter de spoiler, mais ses parents sont vraiment impliqués dans l’histoire et y prennent part tous les deux. Je n’en parle pas au début pour que les personnes pensent qu’il est orphelin.

Pensez-vous que l'humour est indispensable en littérature jeunesse de nos jours ?

Je pense que c’est important. Actuellement, c’est intéressant de penser que les enfants sont plus enclins à accepter une grande différence d’éléments dans un seul livre. Les adultes, si vous mettez trop d’humour dans un livre, ils le catalogueront comme étant uniquement une nouvelle humoristique. Mais les enfants ne font pas ça. Ils vous autorisent à être drôle, et sérieux, et ridicule, tout ça en même temps et c’est un des trucs que j’aime à propos des livres Alcatraz, car vous avez beaucoup de libertés. Quand j’écris de l'epic fantasy, je mets un peu d’humour, mais ce sont plus des traits du personnage. J’adore l'epic fantasy, c’est mon premier amour, mais on se doit de prendre ça sérieusement, tout doit être cohérent et bien fonctionner ensemble. Et vous ne pouvez pas être imprécis, vous ne pouvez pas non plus être contradictoire. Dans les livres jeunesse, c'est possible. Ils me laissent, dans Alcatraz, être contradictoire si c'est pour développer un propos, mais aussi être drôle, ridicule et aussi avoir des personnages bien trempés. Donc il y a beaucoup de flexibilité dans cette littérature.

L'équivalent pour les adultes pourrait être les histoires de Terry Pratchett ?

Oui, je connais Pratchett, mais je pense que c'est vraiment une exception et qu’il fait un boulot fantastique. Mais je crois que les gens continuent de le catégoriser seulement comme un humoriste alors qu’il a des personnages et des histoires profonds. Mais c’est dans notre nature de se contraindre de dire que Pratchett est seulement une chose alors qu’il peut en être plein à la fois.

Dans la série des Alcatraz, il y a deux types de narration. Pourquoi ce double langage ? Est-ce une opportunité pour critiquer notre société ?

Oui, quand j’ai écrit les Alcatraz, j’ai voulu faire des choses vraiment différentes de l'epic fantasy où je prends garde à ne pas être trop didactique, à ne pas faire de sermons. Je n'y fait pas de propagande, je prends juste ce qui semble important pour le personnage. Avec Alcatraz, je n’ai pas commencé de cette manière non plus, mais j’ai mûri car, à chaque début de chapitre, Alcatraz s’adresse au lecteur pour parler de quelque chose qui l’ennuie, qui l’intéresse ou faire quelque chose qui va l'embêter. C’était fait en partie pour développer son personnage, mais aussi pour introduire des thèmes humoristiques. Mais c'était aussi, pour moi, une façon de commencer de petits argumentaires, des argumentaires humoristiques. Je veux dire par-là que je m’amuse de différents aspects de l’écriture. Certaines parties du livre se moquent aussi de moi en tant qu’écrivain et se référencent elles-même par ce biais. C'est ce qui construit le livre et qui l'a rendu amusant à écrire.

Vous avez été choisi pour achever La Roue du Temps de Robert Jordan. Est-ce une fierté ? Est-ce dur de prendre la suite du projet de quelqu'un d'autre ?

En effet, c’est un grand honneur et je suis vraiment très heureux d’avoir été choisi. J’ai lu les livres de Robert Jordan il y a de nombreuses années et c’est une de mes séries préférées. Peut-être même ma série préférée pendant pas mal de temps. Et j’ai été choisi de façon inattendue. Je n’avais pas de vues sur le poste, il est juste venu à moi et c'était un gros projet. Au début, j’ai dit oui immédiatement, mais ensuite, je me suis mis à réfléchir sur les difficultés que ça serait et comment le faire honnêtement. Il n’y avait pas moyen de réussir parce que la seule personne qui pouvait écrire ce livre correctement, c’était Robert Jordan. Et je ne pouvais pas le remplacer. J'ai failli rappeler pour dire non, parce qu’il n’y avait pour moi aucune manière de ne pas échouer. Mais finalement, j’ai décidé que j’aimais la série et que, si je disais non, quelqu’un d’autre prendrait la suite et ferait n’importe quoi, et que ce serait ma faute si ça se passait comme ça. Après pas mal de réflexions, j’ai réalisé que je ne serais peut-être pas capable d'écrire aussi bien que lui, mais au moins, en tant que fan, je connais leurs attentes et je peux faire ça bien. J’ai donc décidé que si quelqu'un d'autre que Robert Jordan devait l'écrire, ce serait moi.

Vous êtes maintenant professeur d'écriture créative spécialisée en SF et fantasy dans la fac où vous avez étudié. Est-ce important de partager votre expériences comme l'a fait David Farland avec vous ?

Oui, en effet, la raison pour laquelle je donne ce cours est qu’actuellement David Farland a arrêté d'enseigner pour pouvoir poursuivre d’autres choses. C'était juste un travail complémentaire, c’est un écrivain avant tout. Un autre professeur avait pris le poste mais elle partait à la retraite et le cours allait être annuler donc elle m’a demandé si je voulais enseigner et j’ai dit oui. Même si ma carrière était plutôt calme à ce moment-là, je ne ressentais pas le besoin d'enseigner. J’ai dit oui parce que c’était un cours que j’avais pris et qu’il comptait beaucoup pour moi. J'aimais beaucoup ce cours et j'ai voulu reprendre le flambeau pour permettre à d'autres étudiants d'en profiter aussi.

Dans les livres de fantasy, les noms de lieux ou de personnes sont toujours étranges (voire tordus et imprononçables !). Comment créez-vous les vôtres ?

Oui, ça dépend des livres, pour tous mes livres j’utilise une méthode différente. En fait, pour Elantris, c’est une manière de nommer basée sur mes recherches en linguistique. Je ne veux pas trop approfondir, ça doit paraitre très ennuyeux à expliquer pour la plupart des gens donc je vais m’abstenir. Mais dans beaucoup de mes livres, je vais prendre une région géographique de notre monde et je vais baser mes noms sur les noms de cette région. Par exemple, pour Fils des Brumes (Mistborn), qui se base en France mais aussi en Allemagne. J’ai construit les noms à partir des langues parlées dans ces régions, de manière à ce qu'ils donnent une ambiance.
Pour d’autres livres, j’ai utilisé d’autres astuces linguistiques. Pour Way of Kings, les noms sont des palindromes (mot qui peuvent se lire dans les deux sens) parce que la symétrie est sacrée pour les gens de ce monde et donc beaucoup des noms sont palindromique ou à une lettre près forment un palindrome et c’est comme ça que je les ai nommés. Ça dépend juste du monde que je suis en train de construire.

La série Harry Potter touche à sa fin. Pensez-vous qu'Alcatraz pourrait être son successeur auprès des jeunes lecteurs ? Seriez-vous partant si on vous proposait des adaptations cinématographiques ?

Ouh là... Je ne sais pas, personne ne peut remplacer Harry Potter, il a vraiment quelque chose de spécial. Je n’ai certainement pas publié mon livre en me disant « Oh on va essayer de remplacer ça ». J’ai plutôt envie que les gens lisent Alcatraz pour ce qu'il est : clairement plus dingue que Harry Potter. Il y a des adaptations cinématographiques en cours avec DreamWorks qui ont fait Shrek, How to Train Your Dragon et tout ce genre de trucs. Ils sont en train de travailler sur une adaptation. C'est en cours, rien n’est encore fait, mais ça s’annonce plutôt bien.

Quels sont vos projets pour 2011 ?

Oui, l’année prochaine j’ai le dernier tome de la trilogie Fils des Brumes qui va sortir en France, j'ai vraiment hâte. Il s’appelle The Hero of Ages, il sort en avril et va terminer l’histoire. Puis un livre en one-shot qui s’appelle Warbreaker qui sortira probablement au début de 2012, et ensuite The Way of Kings qui marquera le début de ma nouvelle grosse série.

Merci à Brandon Sanderson pour son temps et sa patience.

Interview de Paul Kidby (2010)

Paul Kidby est surtout connu pour ses illustrations du Disque-Monde de Terry Pratchett. Il a sorti aux éditions Daniel Maghen en 2009, avec la complicité de son épouse Vanessa, un livre d'illustrations : Le Royaume enchanté. Inspiré par le monde féerique, Paul Kidby nous propose des créations originales accompagnées par les textes de Vanessa. Nains, fées, sorcières, lutins, griffons, dragons... une galerie de portraits envoûtants, crayonnés ou peints avec talents, comme toujours, accompagnés de tous petits contes malicieux flirtant avec les légendes. Un livre publié exclusivement en France, dans une très belle édition à couverture rigide avec des pages dépliantes, le tout sur un très beau papier. Pour découvrir ce très beau livre, le plus simple est encore de regarder sa très jolie bande-annonce (comme au cinéma !) :

Paul Kidby a très gentiment accepté de répondre à pas moins de 26 questions ! Pour (re)découvrir ce merveilleux artiste, je vous invite donc à lire l'interview qui suit.

Faisons connaissance

paul-kidbyIl semblerait que votre carrière ait pris un tout autre chemin que celui du début : prothésiste dentaire ! Comment en êtes-vous arrivé au métier d'illustrateur ?

Je voulais faire un travail manuel et créatif et, lorsque j'ai quitté l'école, fabriquer de fausses dents fut le meilleur job que j'ai pu trouver. À partir de là, j'ai commencé à peindre des stores, puis je me suis mis à créer des cartes de vœu pour un studio. Au fur et à mesure, je me rapprochais de mon ambition de devenir un artiste et illustrateur.

Quel était votre rêve d'enfant ? Pensiez-vous parvenir à vivre de vos dessins un jour ?

Quand j'étais petit, je voulais devenir paléontologue ou géologue car j'aimais collectionner les cailloux et les fossiles. En grandissant, j'ai réalisé qu'il était plus intéressant pour moi de faire de mon amour pour le dessin et le modelage un projet de carrière.

Vous faites beaucoup de dessins au crayon, par exemple pour The Pratchett Portfolio. Quelle est votre technique préférée ? Comment travaillez-vous les illustrations en couleur ? De façon traditionnelle ou avec l'aide de programmes de graphisme ?

Je dessine souvent au crayon graphite à mine sèche sur des planches à dessin ou du papier pour imprimante. Quand je colorise un dessin, je travaille dessus avec des lavis clairs d'huile ou d'acrylique. Je fais tous mes artwork à la main. Je ne suis pas opposé à l'idée d'utiliser des logiciels de graphisme, je n'ai simplement pas investi le temps requis pour être efficace avec. Je préfère aussi avoir un original plutôt qu'un fichier numérique comme produit final.

Comment faites-vous pour avoir des dessins au crayon si propres ?

Je préserve mes dessins des taches en utilisant des crayons à mine sèche plutôt que grasse (HB, H, 2H...) et je nettoie la feuille avec une gomme.

Comment vivez-vous votre succès ? Faites-vous beaucoup de salons ? Recevez-vous beaucoup de courrier de vos fans ?

J'ai une vie très paisible à la maison avec ma femme et ma famille (nous avons six enfants à la maison et ce n'est pas toujours très calme !). Je ne suis pas beaucoup invité aux conventions et j'ai très peu de temps libre loin de mon travail. Je reçois de temps en temps des mails de fans, qui sont généralement des étudiants en art ayant besoin d'aide pour leurs devoirs !

Vous dites vous inspirer de nombreux autres illustrateurs, dont Alan Lee, que nous admirons tous. Le connaissez-vous ? Comment avez-vous découvert ses travaux ? Qu'est-ce qui vous intéresse dans sa façon de dessiner ?

Je n'ai encore jamais rencontré Alan Lee. J'ai découvert ses artwork pour la première fois en achetant un exemplaire de Faeries qu'il avait illustré avec Brian Froud. J'aime son crayon délicat, sa palette limitée, son utilisation des couleurs et son interprétation créative de l'écriture.

À propos du Disque-Monde

Comment avez-vous connu Sir Terry Pratchett ? Vous semblez être plutôt proches. Êtes-vous amis ? Pouvez-vous nous raconter un souvenir marquant (drôle, émouvant...) de votre relation ?

J'ai rencontré Terry pour la première fois en faisant la queue à une séance de dédicace, pour lui montrer quelque-unes de mes esquisses de personnages basées sur ses histoires. J'ai déjà eu l'occasion de collaborer de très près avec lui de façon créative du milieu à la fin des années 90.
J'ai un très bon souvenir de Terry m'aidant à nettoyer ma mare. Nous pataugions tous les deux dans une eau boueuse, les grenouilles sautillant tout autour de nous, pendant que nous discutions de nos préparatifs pour Le Dernier Héros.

La Science du Disque-MondePouvez-vous nous raconter comment vous en êtes venu à illustrer le Disque-Monde ? Étiez-vous un fan ?

Ma sœur m'avait offert un exemplaire de La Huitième Couleur, en 1993, et j'avais trouvé dans ces pages une riche source d'inspiration. Je fus donc inspiré pour dessiner une sélection de personnages, ceux que j'avais pris pour montrer à Terry à la séance de dédicace. À cette époque, je n'avais aucune idée de la popularité de son œuvre, jusqu'au moment où je me suis retrouvé dans une file d'attente de trois heures pour le rencontrer !

Vous n'êtes pas l'unique illustrateur du Disque-Monde. Connaissiez-vous Josh Kirby ? Vous êtes-vous inspiré de ses travaux pour vos illustrations, bien que vos styles soient très différents, ou avez-vous décidé de prendre un tout autre chemin pour vous différencier ?

J'ai rencontré Josh plusieurs fois dans des conventions. C'était un homme très amical et je l'appréciais. Mon style et mon approche artistique sont très différents de ceux de Josh et je me suis donc dis qu'il y avait assez de place pour nos deux interprétations. Je n'ai pas sciemment décidé d'être différent, j'ai développé mon style au fil de plusieurs années de dévouement.

Travaillez-vous avec Sir Terry Pratchett pour définir les détails des personnages que vous illustrez ?

Si je dessine un nouveau personnage important, pour la couverture d'un livre par exemple, je reçois des notes supplémentaires de Terry. J'ai une liberté de créativité pour interpréter la plupart des personnages tels que je les visualise et j'entends souvent avec plaisir que mes dessins concordent avec son imagination. Si je me trompe, Terry me le fait savoir et me donne verbalement quelques indices pour m'aider à coller à sa vision du personnage.
Par exemple, j'ai récemment dessiné la Kelda pour une en-tête de chapitre de I Shall Wear Midnight. Ma représentation la montrait jeune et un peu débraillée avec un air de plantureuse laitière campagnarde. Terry avait le sentiment que je n'y était pas et m'a demandé de la redessiner avec un aspect plus matriarcal et strict, comme la reine Victoria.

Vous vous êtes fait connaître grâce au Disque-Monde. Quel regard avez-vous là-dessus ? N'avez-vous pas peur de ne pas être reconnu pour vos autres travaux, comme Alan Lee qui est étroitement lié au Seigneur des Anneaux maintenant ?

C'est vrai que pour le moment je suis plus connu pour mes illustrations du Disque-Monde. Je suis reconnaissant d'avoir eu la chance de travailler avec Terry à la représentation de son Disque-Monde et je sais combien je suis chanceux.
Je crée d'autres choses, comme des sculptures et des peintures issues de ma propre imagination, dont je me réjouis beaucoup. J'espère que les personnes qui aiment mon travail sur le Disque-Monde se familiariseront aussi avec mes autres travaux et m'encourageront en tant qu'artiste dans toutes mes aventures.

Vous vous consacrez presque entièrement aux illustrations du Disque-Monde depuis quelques années. Qu'est-ce que vous trouvez de si excitant dans ce projet ?

J'apprécie la diversité des personnages et l'humour des livres du Disque-Monde. Mes dessins semblent flatter le style d'écriture de Terry et, heureusement, Terry et les fans ont l'air d'approuver mes interprétations.

Quels sont vos personnages préférés du Disque-Monde ? Pourquoi ?

J'aime dessiner Vimaire et Mémé Ciredutemps car ce sont tous les deux des personnages complexes avec de nombreuses facettes, ce qui en fait un challenge pour les dessiner.

Le dernier HérosLe Dernier Héros a été un énorme bestseller (plus de 235000 exemplaires vendus en Grande-Bretagne). Pensez-vous que vos illustrations sont en grande partie à l'origine de ce succès considérable ?

Chaque livre que Terry écrit est un grand bestseller donc je pense que ce livre se serait vendu tout aussi bien même si je ne l'avais pas illustré du tout. Cependant, j'aime à penser que mes illustrations donnent une autre dimension à l'histoire, ajoutant à la riche expérience de la lecture du texte.

Êtes-vous sollicité pour le travail visuel des adaptations cinématographiques ? Peut-être même pour le casting !

La brève réponse à cette question est : Non. Je ne suis impliqué dans aucune des adaptations cinématographiques ou télévisuelles. Il apparaît que les récentes productions de Sky utilisent certains de mes design de personnages ou de costumes, mais je ne suis ni impliqué, ni crédité.

Les films sont très bien accueillis par les fans, contrairement à beaucoup d'autres adaptations de nouvelles ou de comics. Que pensez-vous personnellement du résultat ?

Je n'ai pas vu les films du Disque-Monde car je ne veux pas être influencé.

À propos de votre carrière

Royaume enchantéComme nous l'avons dit, vous ne faites pas uniquement des illustrations pour le Disque-Monde. Pouvez-vous nous parler de vos autres travaux ? Faites-vous autre chose que de l'illustration ?

J'apprécie de travailler dans l'illustration et la sculpture fantasy, qui sont souvent influencées par le folklore et l'environnement naturel. J'ai une idée pour une nouvelle sculpture en tête et j'attends de pouvoir la faire. Je travaille aussi sur un autre livre (personnel) en collaboration avec ma femme ainsi qu'un troisième membre dans notre équipe. Je trouve cela excitant et enrichissant de développer des projets personnels par moi-même en parallèle du travail commercial et très en vue du Disque-Monde.

Pouvez-vous nous raconter la genèse de votre projet commun, avec votre femme Vanessa : Le Royaume enchanté, publié uniquement en France ? Est-ce une réussite de publier un projet personnel ? Avez-vous aimé réaliser un projet commun ?

La publication du Royaume enchanté était une expérience unique pour moi. Je me suis beaucoup réjoui de travailler avec Olivier Souillé, mon éditeur chez Daniel Maghen, et j'ai apprécié la liberté créative qu'il nous a donné dans la production du livre. Il contient des illustrations et des textes influencés et développés à travers notre amour pour l'environnement naturel, basé sur les traditions et les lois féeriques, mêlées à notre propre humour et notre imagination.
C'était également une grande joie de travailler avec ma femme, Vanessa. Nous avons toujours travaillés ensemble, dans un partenariat créatif, mais cette publication, en particulier, était très importante pour nous.

Vous inspirez-vous des folklores pour vos créations personnelles ?

J'aime l'esprit des contes traditionnels et ses autres formes. Les contes sont souvent étranges et troublants et, pour quelqu'un d'imaginatif, ce sont d'excellents points de départ pour la création.

Vous faites des design pour les TCG de World of Warcraft. Comment est-ce arrivé ?

J'ai été approché par WoW plus tôt cette année pour créer 6 nouvelles illustrations de trading cards pour leur prochain set Worldbreaker qui intégrera les gobelins et les Worgen pour la première fois dans le TCG World of Warcraft. La sortie est prévue pour le mois de novembre.
Le style lumineux et super dynamique de WoW a poussé les limites de mes connaissances et mes compétences et j'ai trouvé cette expérience très enrichissante. Le directeur artistique m'a incité à utiliser une palette aux couleurs plus lumineuses et contrastées que mes tons limités habituels, avec une utilisation dramatique de la lumière et de la perspective. Cette expérience, qui a poussé mes capacités techniques et artistiques à un nouveau niveau, était intéressante.

Paul KidbyMis à part le Disque-Monde, quelle expérience artistique vous a le plus marqué dans votre carrière ?

Mon amour pour la sculpture s'est développé au cours de ces dernières années. J'aime travailler en 3D et je continue d'utiliser les outils dentaires avec lesquels j'avais commencé ma carrière en laboratoire ! Je travaille avec de l'argile à base d'huile qui est ensuite moulé en bronze à la fonderie. Pour l'instant, j'ai créé trois pièces : un modèle de notre chien pour ma femme, Vanessa, un griffon : Nemesis, et une sirène : Atlantia, qui sont des tirages limités à douze exemplaires.

Vous avez détourné de nombreux tableaux de maîtres. Qu'est-ce qui vous en a donné l'idée ? Est-ce un exercice particulièrement amusant ? Quel effet souhaitez-vous obtenir de ces parodies ?

Cela m'amuse de faire une parodie si je sens que c'est approprié au texte. Dans ce sens, je peux faire un hommage respectueux à un artiste antérieur tout en ajoutant des distorsions pour apporter une nouvelle tournure à un graphisme établi.

Vous semblez particulièrement aimer la fantasy. Qu'est-ce qui vous attire dans ce genre d'univers ? Auriez-vous envie d'illustrer d'autres genres ? Pourquoi ?

C'est avec la fantasy que mon imagination et mon sens de l'humour s'accordent le mieux. J'aime baser mes dessins et mes peintures sur de la véritable anatomie et de la perspective précise pour ajouter, ensuite, des éléments inventifs et insolites. C'est amusant et j'aime cela plus qu'aucun autre travail auquel je peux penser.

Vous travaillez actuellement sur le calendrier 2012 du Disque-Monde. Quels sont vos autres projets à venir ? Aurons-nous la chance de vous voir bientôt en France ?

L'année 2011 me verra travailler dur sur mon nouveau projet de livre collaboratif donc je risque de ne pas trop sortir ! J'espère vraiment trouver quelques bonnes raisons pour retourner voir mes amis en France.

Pour finir

En tant qu'icône de la fantasy, pensez-vous être un peu geek ? Que pensez-vous des gens qui nous considèrent comme des personnes fuyant la réalité ?

Honnêtement, je ne me considère pas comme un geek. Je suis un artiste professionnel travaillant dur dans un genre spécifique pour un public enthousiaste. Je n'ai pas le temps de jouer aux jeux vidéo, de lire des BD, de porter des vêtements gothiques ou de boire mon sang à la lueur d'une chandelle ! (rires amusés par l'exagération)
Je pense que c'est bien que les gens échappent à la réalité tant qu'ils ne s'y perdent pas et continuent d'être impliqués efficacement dans le monde réel !

Pour finir, pourriez-vous nous dire quel est le premier mot qui vous vient à l'esprit à l'instant ?

MERCI...
... à ma femme Vanessa d'avoir tapé ces réponses, et merci aux lecteurs de s'intéresser à moi et à mon travail.

Merci beaucoup d'avoir accepté de répondre à toutes ces questions !