Going Postal - le film

Voici un article écrit à l'occasion de la sortie du téléfilm adapté du roman Timbré (Going Postal), tiré des Annales du Disque-Monde de Terry Pratchett, en mai 2010.

Timbré

"- I'm the new postmaster!
- I'm SO sorry... Really I am.
"

Moite Von Lipwig, héros de cette histoire, est le plus grand escroc que le Disque-Monde ait connu. Sa devise : « Voler, tromper, falsifier, détourner. » Ce manipulateur égoïste et provocateur a fait le tour de toutes les arnaques et en a même inventé de nouvelles. Après avoir provoqué une énorme crise économique en falsifiant des obligations, il finit par se faire coincer par le Guet et se fait emprisonner. Ses magouilles percées à jour (ou du moins toutes celles qui ont pu être prouvées), il est donc condamné à mort. Après seulement dix minutes de film, le voilà pendu ! Fin de l'histoire...
Enfin... pas tout à fait... Un « ange » vole à son secours : le seigneur Vétérini. J'en entends déjà certains glousser. Et pourtant. Ce dernier va lui proposer une nouvelle « chance » dans la vie (ou est-ce une nouvelle forme de punition) en lui proposant de rouvrir le bureau de poste d'Ankh-Morpork. Le Patricien voit en effet en Von Lipwig, cet orgueilleux roublard, le candidat idéal.
Mais la mission ne s'avère pas aussi simple qu'il n'y paraît, surtout quand l'amour s'en mêle. Depuis quelques années, les habitants du Disque-Monde ne communiquent plus que par Clacs, sorte de système télégraphique permettant de transmettre très rapidement des messages via un réseau de relais en les diffusant grâce à une sorte de code lumineux. Et le nouveau directeur des Clacs, aveuglé par le profit et peu soucieux de la qualité de ses services, voit le retour de la Poste d'un très mauvais œil - et ce n'est pas qu'au sens figuré !
Cependant, impossible de fuir sa destinée, dans le Disque-Monde. Et le seigneur Vétérini s'en est assuré en embauchant monsieur Lapompe, un golem d'argile peu commode, pour (sur)veiller de près Moite Von Lipwig. Le voici donc flanqué de deux nouveaux acolytes supposés l'aider dans cette aventure postale : le préposé « novice » Tollivier Liard, un adorable petit vieux moustachu et enjoué, et Yves, un jeune garçon simplet et atteint de collectionnite aiguë, né en salle de tri.
Vous êtes pressés d'avoir un aperçu, bande de « vilains garçons » ? Allez :

Après « I ♥ A-M », « I ♥ pins » !

L'évolution dans l'Histoire du Disque permet à Pratchett d'aborder de nouveaux sujets, même si le côté med-fan des premiers tomes du Disque-Monde ne l'a jamais dérangé pour ça. Mais il faut bien se renouveler ! Timbré est le trentre-troisième tome des Annales, autant dire, une grosse avancées dans le temps depuis Colour of Magic (La huitième couleur). Les costumes s'apparentent à ceux de la fin du XIXe siècle et les nombreuses technologies inventées au fil des tomes, comme l'apparition des Clacs, de l'imprimerie, ou des journaux (La Vérité), sont enfin intégrées au mode de vie des Morporkiens. Tout cela, ainsi que les nombreux rouages très présents dans le générique de début, donnent un énorme côté steampunk à ce nouvel opus. Un aspect qui n'est pas anodin puisque la nouvelle est proche des histoires victoriennes et verniennes.
Évidemment, Timbré amène son lot d'inventions. Celles du timbre (quel scoop !), de la propagande, de la livraison express ou encore du piratage réseau.
De nombreux sujets sont abordés. Celui, déjà vu dans La Vérité, du monopole et de la concurrence est bien présent, mais Pratchett aborde surtout la crise économique, provoquée par le héros lui-même, comme nous l'avons vu précédemment. Les allusions à notre monde vont bon train avec l'évocation de l'Août noir, où la banque d'Ankh-Morpork a fait faillite.
La poste n'est finalement pas le thème le plus important, bien que central, même si elle est effectivement d'une inefficacité extrême face aux nouvelles technologies ! J'ai été plus marquée par la culpabilité, personnifiée par Moite Von Lipwig, qui, bien que fanfaron en amour et audacieux en affaires, est hanté par les démons de son passé lorsqu'il prend conscience des conséquences de ses actes qui ont entraîné la ruine et la mort de nombreuses personnes à son insu.
D'autres sujets sont abordés avec plus d'humour, comme l'ergothérapie vue par Vétérini, mais surtout la collectionnite incarnée par le jeune Yves, complètement pin-nuts (!), qui arbore un t-shirt « I ♥ pins » au début du film et se rend régulièrement dans la boutique d'épingles qui vend toute une tripotée de magazines très... pointus : L'Épingle pratique, Monde d'épingles, Nouvelles épingles, Épingles modernes... et même Épingles extrêmes, vendu sous le comptoir, montrant des pin-up en cuir mais qui tiennent toutes des épingles ! Il y a même des collectionneurs de cordes de pendus et, surtout, de tous nouveaux collectionneurs de timbres !
Une pause ? Un petit trailer d'environ 2mn ?

Têtes d'affiche !

Depuis la création du film Père Porcher, les adaptations nous ont habitués à un casting à la hauteur des espérances des fans. Ce film ne fait pas exception à la règle. Les acteurs sont tout à fait crédibles dans leurs rôles respectifs. Ils correspondent tous à l'image que l'on peut se faire des personnages, ne serait-ce que grâce aux illustrations de Paul Kidby.
On notera principalement la présence de David Suchet (alias Hercule Poirot) dans le rôle du grand méchant : Jeanlon Sylvère, un rôle qu'il interprète à merveille et avec beaucoup de crédibilité. Exit le petit belge maniéré et plein de bonhommie ! Le voici avide, cruel et mégalomane à souhait !
Charles Dance fait également un bon Patricien, bien qu'il ait l'air moins impitoyable dans ce rôle que son prédécesseur Jeremy Iron, dans Colour of Magic.
La jeune Claire Foy donne un petit air de Mercredi Adams à Adora Belle Chercœur, l'une des plus belles, mais aussi des plus froides et des plus fières jeunes femmes d'Ankh-Morpork. Elle est parfaite dans son rôle de rebelle et de protectrice des droits des golems, ces êtres loyaux, incorruptibles, intelligents, et peut-être même un peu romantiques !
On appréciera aussi le jeu de Richard Coyle qui interprète le héros Moite Von Lupwig, car il donne vraiment envie de lui enlever ce petit sourire prétentieux de la figure !
Mais ces célébrités bien réelles ne sont pas les seules à retenir l'attention. Les personnages de Pratchett ont également leur propre fanclub ! Ainsi, vous verrez, en plus du Patricien, l'Archichancelier Ridculle, l'agent Angua du Guet, la journaliste Sacharissa Cripslock ou encore le vampire photographe Otto von Chriek. Par contre, beaucoup seront déçus de ne pas voir La Mort, pour une fois...
Voici une petite interview - en VO - de Terry Pratchett à propos du film, accompagnée de quelques extraits :

« Les mots ont du pouvoir. Assemblez assez de mots et vous courberez l'espace et le temps. »

Et ce n'est pas peu dire, quand on voit l'état de la Poste lorsque Moite Von Lupwig en devient le Receveur ! Voici quatre ans que les lettres et les colis jamais livrés s'entassent dans les locaux. Des milliards de lettres, des milliards de mots... Autant dire que ses prédécesseurs avaient vraiment envie de s'attirer des ennuis, bien qu'ils n'en aient pas vraiment eu le temps...
Ces montagnes de courrier donnent au bureau de poste et à ses interminables couloirs une ambiance assez pesante qui fait parfois frissonner. Et quand on nous dit que la Poste est maudite, on a bien envie de le croire ! L'ensemble des décors sont d'ailleurs très plaisants avec leur aspect HDR usé et leur architecture très majestueuse. Les incrustations 3D sont agréables. Il est même regrettable que les golems soient des acteurs costumés car ils ont un léger « effet carton ».
Malgré quelques minuscules accrocs dans les raccords, plutôt amusants à détecter, le film bénéficie de nombreux plans cinématographiques très intéressants et dynamiques, notamment ceux des journaux qui introduisent de nouvelles scènes. Et puis, l'image est tellement belle que ça vaut vraiment le coup de regarder tout ça sur un écran HD !
Je n'ai hélas pas encore lu le livre (j'ai encore quelques tomes de retard...) mais je ne pense pas que le film soit décevant par rapport à l'œuvre d'origine. J'ai rarement autant ri ouvertement devant un film, et je suis très difficile là-dessus ! Donc j'encourage tous ceux qui se sentent à l'aise dans la langue de Shakespeare à regarder la VOST pour ne pas passer à côté de ces petites perles d'humour anglais !
Allez, pour finir, parce qu'on adore ça, voici l'interview de David Suchet, avec sa grosse voix, à propos de son rôle, encore en VO, désolée ^^'